IN EXTREMIS

Ce fut une semaine éprouvante!

Trois milliards d’humains confinés… Comment ne pas penser qu’il y aura un avant et un après…

En cette première semaine à la maison, je sentais que le Seigneur m’appelait à prendre du temps à part, à “rentrer en moi-même”,

à me tenir devant lui, dans le calme, dans le silence…avec mon cahier pas loin pour noter ce qu’Il me dirait (“J’étais à mon poste” dit Habakuk):

-“Car le Seigneur a les yeux fixés sur les fidèles, prêt à écouter leurs prières” (1 Pi 3:12)

Pas évident de demeurer dans le calme, avec ce flot surabondant de communications et d’informations tous azimuts,

ces notifications incessantes. Je me sentais perméable à la désorganisation ambiante, dispersée, confuse. J’ai donc choisi par moments d’arrêter les médias…et WhatsApp!

Mardi 24 mars, il était prévu que j’appelle le Dr V., pour voir avec lui si la situation de ma mère évoluait favorablement.

Elle avait été hospitalisée après une chute dans l’escalier fin janvier, laquelle avait entraîné une fracture de l’épaule,

une opération et de la rééducation en service de soins de suite jusqu’à ce jour.

-“En réunion!” me répond-on! “ Rappelez plus tard.”

Qu’à cela ne tienne, je rappelle le lendemain, mercredi. “Le Dr V. est en réunion”

Encore!” pensais-je “Il doit se passer quelque chose”. Finalement nous parvenons à nous parler dans l’après-midi.

Il me dit que les médecins rhumatologues et orthopédistes n’ont pas pu passer voir ma mère…

et qu’il y a maintenant du covid-19 dans tous les services, sauf dans l’aile où il travaille

(Une dizaine de jours plus tôt, ma mère m’avait parlé de 2 cas dans tout l’hopital)

J’appelle immédiatement mes frères en région parisienne pour nous concerter (je ne suis pas toujours fâchée avec WhatsApp).

L’un est en télétravail, malade depuis 12 jours, ainsi que sa femme (toux…).

L’autre est en chômage partiel. Sa femme, enseignante, a 7 collègues malades (sur 14) avec une forte probabilité de covid!

Je rappelle le Dr V. pour lui exposer la situation et on convient que l’accueil serait préférable chez mon frère malade,

car ses symptômes vont en diminuant, ils ne font pas typiquement penser au Covid,

et on se rapproche des 14 jours après lesquels on considère communément que la personne n’est plus contagieuse.

Il me dit qu’il prévoit une sortie pour la fin de semaine ou le début de la semaine suivante (mais dans mon esprit, je me dis que le plus tôt sera le mieux)

Le lendemain, jeudi 26 mars, mon frère me dit qu’il a l’autorisation de son chef pour aller chercher notre mère, dès le jour-même si besoin.

Je rappelle le Dr V. qui me dit qu’il va tout faire pour organiser la sortie dès l’après-midi. Mais il reste une radio à faire…Une radio de coude.

(Oui, personne ne l’avait vu initialement, mais le coude était cassé aussi…) Il est midi…

-“Les radiologues n’ont pas eu le temps de faire cette radio car ils ont fait passer d’abord les patients infectés, mais je vais voir avec eux” me dit-il. On raccroche.

Et je sens que ça mouline dans ma tête. C’est étrange mais depuis la veille j’avais prié pour cette fameuse radio de coude.

Je me dis que je ne peux pas rester sans parler de ce qui me turlupine. Je rappelle l’hôpital.

La personne au bout du fil me reconnaît, elle me dit que le Dr V. n’est pas disponible. Je la sens agacée.

J’en suis désolée car j’imagine combien le travail doit être dur à l’hôpital en cette période. Elle me propose de lui transmettre ma question.

-“Est-ce bien indispensable de faire cette radio? Après le passage des patients Covid en radiologie”?.

-“Oh mais vous savez on désinfecte bien…!”

Je crois que mon silence après sa remarque a dû être éloquent, car elle m’a dit qu’elle allait chercher le Dr V. pour me répondre. Je fais part de mon inquiétude à ce dernier.

-“Bien sûr, cette radio n’a rien d’urgent et on ne la ferait pas si on n’avait pas deux circuits distincts en radio, un pour les patients Covid et un pour les autres patients”.

Soulagement!

Je réussis à joindre ma mère sur WhatsApp (87 ans, une seule main disponible et elle réussit à répondre, je lui tire mon chapeau!).

Elle est un peu surprise qu’on précipite sa sortie de la sorte, mais pas fâchée de quitter sa chambre d’hôpital!

Quand mon frère se gare en bas du bâtiment, en début d’après-midi, le Dr V. lui même et quatre autres personnes masquées et gantées accompagnent Maman, pour porter ses affaires et transmettre les consignes.

Le soir même, j’adresse un petit mot au Dr V. pour le remercier; il me répond qu’on a bien fait de faire sortir notre mère.

Après une énième réunion dans l’après-midi, il a été décidé que son service accueillerait les patients Covid, incessamment.

En réfléchissant à l’enchaînement des évènements durant ces deux derniers jours, je réalise que notre mère est sortie “in extremis” de l’hôpital,

comme Lot qui a quitté Sodome en toute hâte, pressé par les anges.

J’exprime ici mon admiration et ma profonde reconnaissance au Seigneur pour Maman! Ma reconnaissance pour tous ces soignants,

qui se donnent sans compter pour leurs patients! Mes prières pour eux et pour toutes les personnes malades, en particulier du Covid, qui sont actuellement dans cet hôpital, dans un autre hôpital, ou dans un EHPAD.

Dans la semaine, le Seigneur avait aussi attiré mon attention sur un verset des Actes (Ac 19:11):

Dieu faisait des miracles extraordinaires par les mains de Paul”. J’ai cru qu’Il voulait m’encourager par ces paroles.

Je veux dire: pas seulement m’encourager au sujet de la situation de ma famille, mais aussi au sujet de la période que nous traversons,

un temps de grande pression et de larmes, mais aussi un temps où nous vivrons des “miracles extraordinaires”! Gloire au Seigneur!

Isabelle Rios